Syrie

LA SITUATION:

6,9
millions de syriens sont déplacés à l’intérieur du pays

14,6
millions de personnes ont besoin d’une assistance humanitaire dont 13,9 millions sont en insécurité alimentaire soit 65% de la population

90%
de la population vit en dessous du seuil de pauvreté

Plus de 600 attaques
sur des structures de santé et de 900 soignants tués depuis 2011

Source : ONU - Protection Civile et Operations d'Aide Humanitaire Européennes - PHR, Physicians for human rights

La Syrie connaît une des crises humanitaires les plus graves au monde depuis la Seconde Guerre mondiale selon la Commission européenne. Enjeux dans le nord-est et le nord-ouest du pays.

NORD-EST DE LA SYRIE, ANCIENNE TERRE CONQUISE DE L’ ÉTAT ISLAMIQUE


De 2013 à 2017, le nord-est de la Syrie était largement aux mains de Daesh avant d’être progressivement reprise par les Forces démocratiques syriennes. Aujourd’hui, la zone est toujours contrôlée par les FDS, mais la situation reste fragile. La guerre contre l’État islamique a détruit l’activité économique et l’accès aux besoins fondamentaux de la région.

Les combats et les bombardements ont laissé la région et les populations dans une catastrophe humanitaire de grande ampleur avec une destruction des infrastructures civiles et de santé, un déplacement des populations massif et un accès aux services de base en ruine tels que l’eau, l’assainissement, le logement, l’éducation...etc. Les villes de Raqqa et Deir-Ezzor sont dans le dénuement le plus total. Sans écarter le risque d’une possible reconsolidation de l’État islamique sur les ruines de cette catastrophe humanitaire.

Syrie_la_pire_crise_humanitaire_au_monde_Mehad

UNE SITUATION POLITIQUE COMPLEXE, UN ACCÈS HUMANITAIRE ENTRAVÉ


Guerre oubliée et population meurtrie délaissée, la Syrie ne connaît que remous et difficultés dans l’approvisionnement de l’aide humanitaire et les enjeux de santé sont d’autant plus grands côté est de la Syrie. Aujourd’hui, l’aide humanitaire est entravée par le maintien précaire des couloirs humanitaires et la population vivant dans l’est en est maintenant dépourvue. Le 11 juillet 2020, le Conseil de Sécurité de l’ONU a voté la fermeture du dernier point d’accès humanitaire transfrontalier du nord-est d’Al Yarubiah, à la frontière irakienne. La raison de cette entrave ? Tandis que l’Europe et les Etats-Unis prônent le maintien ainsi que l’ouverture de nouveaux accès transfrontaliers pour répondre aux besoins humanitaires, la Russie n’a cessé de poser son veto pour supprimer l’acheminement de l’aide transfrontalière, qui a finalement conduit à la fermeture de 3 corridors humanitaires sur 4 depuis 2014. Principale alliée du régime syrien, la Russie milite pour que l’aide humanitaire transite uniquement via les lignes de fronts ou « crossline », autrement dit, devrait être contrôlée et centralisée directement par Damas sous prétexte de maintenir la souveraineté syrienne. Cette bouée de sauvetage était vitale pour des millions de personnes et notre action de soignant est interdépendante de l’aide transfrontalière des agences onusiennes. Nous sommes intimement convaincus que l’ensemble de la population syrienne devrait être soutenue par l’aide internationale et ce, indépendamment de leur localisation, de leur appartenance religieuse ou culturelle. Aujourd’hui, l’approvisionnement en équipement médical et médicaments pour le nord-est transite via la Turquie, ce qui complexifie et ralentit notre capacité d’intervention.

Cependant, fort de son expérience avérée dans le nord-ouest de la Syrie et de sa chaîne logistique développée, Mehad (ex-UOSSM France) utilise ses compétences techniques afin de reproduire son savoir-faire au nord-est, là où les besoins médicaux sont immenses.

ENJEUX MÉDICAUX DANS LE NORD-EST


Aujourd’hui, les provinces du nord-est sont considérées comme des zones où la gravité des besoins sanitaires est la plus élevée. Dans un premier temps, il est primordial de favoriser le retour des services de base essentiels pour améliorer les conditions de vie de la population dans la région et encourager les personnes déplacées à revenir volontairement. L’afflux récent de personnes déplacées et de rapatriés entraîne une pression supplémentaire sur les services de santé, déjà affaiblis par 10 années de conflit. D’autre part, le fléau de la malnutrition est en pleine expansion partout en Syrie. La crise économique dans les pays voisins, la flambée des prix de produits de première nécessité et les répercussions de la pandémie mondiale entraînent des conséquences désastreuses sur les populations, qui n’arrivent plus à s’approvisionner en biens vitaux pour survivre. Notre ambition pour les années à venir ? Travailler sur un projet central de santé, incluant la santé primaire - notre cœur de métier - et la santé secondaire et tertiaire, nécessitant des spécialités médicales plus poussées afin d’établir un réseau de références approprié et couvrir au maximum les besoins de santé. Par exemple, les maladies chroniques ont des conséquences désastreuses sur les populations victimes de conflit. Avant décembre 2019, aucune organisation humanitaire ne soutenait les centres qui fournissent des services de dialyse gratuitement, que ce soit à Manbij ou à Al-Tabqah. Depuis, Mehad (ex-UOSSM France) a soutenu deux centres de dialyse dans ces deux zones et poursuit son activité dans l’unité de dialyse à Kobané depuis plus de deux ans. Ces activités visent à combler les lacunes et le manque de suivi régulier dans le secteur de la dialyse, en plus d’aider les patients souffrant d’insuffisance rénale pour qui il est impossible de financer le coût du traitement.

De nombreux défis restent encore à relever, qui nécessitent le renforcement des capacités locales par le biais des formations médicales que Mehad (Ex-UOSSM France) soutient.

source :

  • REACH, Camp Profile: Serekaniye Al-Hasakeh governorate, Syria January 2021
  • REACH, Camp Profile: Areesheh Al-Hasakeh governorate, Syria September 2020
  • REACH, Camp Profile: Abu Khashab Deir-ez-Zor governorate, Syria January 2021
  • REACH, Camp Profile: Al Hol Al-Hasakeh governorate, Syria October 2020



ESCALADE DE LA VIOLENCE ET TERRE HOSTILE DES DÉPLACÉS DE GUERRE


En 2020, La Syrie reste le deuxième pays le moins pacifique au monde selon le Global Peace Index (GPI). Le conflit en Syrie a déclenché l’une des pires crises humanitaires au monde depuis la seconde guerre mondiale selon la Commission européenne : déplacement des populations, destruction du système de santé, de l’éducation, approvisionnement en eau entravé, malnutrition, mise à l’abri précaire, violation des droits humains. Le nord-ouest de la Syrie reste une des régions du pays où le contexte sécuritaire et humanitaire est le plus instable. En Syrie, 14 millions de personnes ont besoin d’une assistance humanitaire dont près de la moitié se trouvent dans le nord-ouest de la Syrie. 2,7 millions de personnes sont des déplacés internes dont 1,6 millions de personnes vivent dans les 1302 camps dédiés.

Les besoins humanitaires sont exacerbés par le déclin économique du pays. La livre syrienne est en chute libre après avoir perdu 78% de sa valeur depuis octobre 2019, tandis que les prix des produits de première nécessité augmentent et sont à un niveau record. Conséquence directe, plus de 90 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. Les familles déclarent ne plus pouvoir répondre aux besoins de base en raison d’une augmentation des prix et une perte de leurs revenus. La COVID-19 a accéléré ce ralentissement économique en réduisant les opportunités d’emploi déjà rares dans un pays où 50% de la population en âge de travailler est au chômage.



ENJEUX DANS LE NORD-OUEST DE LA SYRIE : INDÉPENDANCE ET ACCÈS AUX SOINS


Un des enjeux majeurs dans le nord-ouest du pays est d’abord celui de la neutralité humanitaire. Depuis 10 ans, les lignes de front bougent constamment. Mehad (ex-UOSSM France) s’est engagée à soutenir les populations victimes du conflit sans distinction éthnique, de genre, de religion ou d’opinion politique. Une ligne de crête que nous avons réussi à tenir notamment grâce au soutien des directorats de santé, l’équivalent d’agences régionales de santé civiles (ARS) au nord syrien, gérés par des soignants dans les différents

localités de la région (Idleb, Alep...). Ces structures indépendantes de toutes acteurs politico-militaires permettent la coordination des actions humanitaires et médicales des ONG. Elles sont aussi le point d’entrée avec les agences internationales onusiennes ou de l’OMS. Mehad (ex-UOSSM France) a soutenu massivement leur essor et notre action médicale sur le terrain se fait aujourd’hui en étroite collaboration avec ces directorats de santé indépendants de toute influence.

Mehad (ex-UOSSM France) et les organisations humanitaires en général mettent au cœur de leurs actions la mise en place de structures de santé de proximité fixes et mobiles pour apporter des soins et secours médicaux.

Enfin, face à un conflit qui s’éternise et qui s’enlise dans la catastrophe, les fonds institutionnels se tarissent et ont largement diminué depuis plusieurs années. Les subventions institutionnelles qui finançaient largement l’urgence en Syrie et plus précisément dans le nord-ouest du pays, sont moins importantes qu’auparavant, et s’orientent davantage dans une logique long-termiste et sont ainsi mobilisables moins rapidement. En réalité, l’urgence et la détresse humanitaire restent au cœur des préoccupations de l’action humanitaire et médicale en Syrie. La pandémie de COVID-19 et les crises qu’a connu la région depuis 2020, viennent nous en faire la triste démonstration.

Ukraine

LA SITUATION:

6,2
millions de personnes déplacées en Ukraine

12
millions de personnes, soit près de 30% de la population, ont besoin d’une aide humanitaire vitale

323
attaques sur des structures de santé

Source : Chiffres ONU Septembre 2022

De la médecine de guerre en Syrie à la médecine de guerre en Ukraine


La guerre en Ukraine comme en Syrie est une guerre qui impacte directement les hôpitaux civils. C’est une guerre totale, les bombardements ne sont pas discriminés entre les populations civiles et militaires.


Les blessés vont directement dans les hôpitaux civils où sont gérés la santé du quotidien. Les hôpitaux et personnels soignants ne sont pas préparés à faire face à cette situation d’afflux et à ces pathologies, très spécifiques, de la médecine de guerre et plus largement de catastrophe. Des concepts ont été développés pour la prise en charge de ces afflux : le triage, le damage control, la stabilisation des lésions avant d’envisager leurs traitements.

Par ailleurs, la situation, comme celle que nous avons connu en Syrie, d’encercelement et de siège emmène les hôpitaux a travaillé en situation dégradé, par manque de moyens et de personnels. Car du fait de la violence des combats, vont fuir quand ils peuvent avec les autres civils. Cette situation si particulière où les hôpitaux sont eux-mêmes l’objet de cible peut amener aussi à devoir travailler dans une clandestinité en organisant une structure de soins et de traitement dans des appartements ou dans des caves.



50% des blessés, des victimes, dans ces situations de guerre meurent dans la première heure, d’asphyxie ou d’hémorragie.


Le personnel soignant civil et particulièrement, les secouristes, qui assurent la prise en charge des victimes sur le terrain, en pré-hospitalier, sont eux aussi confrontés au relevage (ramassage) et au transport des victimes jusqu’aux structures sanitaires. Ils sont bien entendu dans des situations de dangerosité pour leur travail car ils peuvent être amenés à travailler sous les tirs et sous les bombardements. Il nécessite déjà une formation spécifique pour ce que l’on peut appeler l’extraction en zone de combats. Par ailleurs, 50% des blessés, des victimes, dans ces situations de guerre meurent dans la première heure, d’asphyxie ou d’hémorragie. Il y a donc une formation à acquérir qui est le “damage control” dit de l’avant (avant l’hôpital) afin de stabiliser les victimes et de pouvoir les transporter jusqu’à l’hôpital.

L’arrivée de ces victimes à l’hôpital, de ces nombreuses victimes en même temps à l’hôpital, nécessite une organisation qui débute par le triage afin de catégoriser les victimes selon leurs urgences, leur niveau d’urgence. Le tri nécessite par lui-même une formation, car le trieur doit avoir à la fois des compétences chirurgicales de réanimation, et de logisticien. Le triage est à géométrie variable, car il dépend du nombre de victimes, des moyens dont les soignants disposent et des capacités possible d’évacuation.

La stabilisation des victimes, surtout en urgence immédiate ou absolue, dont le pronostic vital est engagé, impose des gestes de réanimation, de chirurgie de sauvetage, qui nécessite une pratique de ce que l’on appelle “la chirurgie de guerre” ou aujourd’hui “le damage control chirurgie de guerre”. Ainsi, se dégage la nécessite de former les personnels soignants depuis les secouristes, les infirmiers, les chirurgiens à la médecine de guerre.



10 ans de formation à la médecine de guerre en Syrie


L’expérience que nous avons acquise sur les 10 dernières années en Syrie, où nous avons développé 4 centres de formations à Bab Al-Hawa, Derrick, Raqqa en Syrie, Arsal au Liban, et à la frontière jordano-syrienne. Nous avons développé 12 cours de formation, basés sur l’appropriation d’algorithme de décision pour favoriser l’action plus que la réflexion.

Nous avons formés plus de 34 000 personnes. Nous sommes essentiels dans ces situations non pas pour sauver tout le monde mais de sauver le maximum de personnes sur la base de former sauve des vies.